Terrorisme : Les Rouages Complexes de l’Indemnisation des Victimes

Face à l’horreur des attentats, la France a mis en place un système d’indemnisation unique au monde. Découvrez les mécanismes légaux qui permettent aux victimes du terrorisme d’obtenir réparation et de reconstruire leur vie.

Le Fonds de Garantie des Victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI)

Au cœur du dispositif d’indemnisation se trouve le FGTI, créé en 1986 suite à une vague d’attentats. Cet organisme public est chargé d’indemniser les victimes d’actes de terrorisme sur le sol français, ainsi que les ressortissants français victimes à l’étranger. Le FGTI intervient rapidement, sans attendre l’issue des procédures judiciaires, pour apporter un soutien financier immédiat aux victimes.

Le financement du FGTI est assuré par une contribution prélevée sur les contrats d’assurance de biens. Cette solidarité nationale permet de garantir des ressources stables pour l’indemnisation des victimes, indépendamment du nombre d’attentats. Le fonds dispose ainsi d’une capacité d’intervention rapide et efficace, même en cas d’attaque de grande ampleur.

La procédure d’indemnisation : un parcours balisé

La procédure d’indemnisation débute dès qu’une personne est reconnue comme victime d’un acte de terrorisme par le Parquet de Paris, compétent sur l’ensemble du territoire national pour les affaires de terrorisme. Cette reconnaissance ouvre automatiquement les droits à l’indemnisation.

Le FGTI contacte alors les victimes ou leurs ayants droit pour leur proposer une première provision financière, versée dans le mois suivant l’attentat. Cette avance permet de faire face aux premières dépenses et difficultés matérielles. Par la suite, une offre d’indemnisation définitive est élaborée, prenant en compte l’ensemble des préjudices subis.

Les victimes bénéficient de l’assistance gratuite d’un avocat tout au long de la procédure. Elles peuvent également s’appuyer sur les associations d’aide aux victimes agréées, qui jouent un rôle crucial d’accompagnement et de conseil.

L’évaluation des préjudices : une approche globale

L’indemnisation des victimes d’actes terroristes repose sur le principe de la réparation intégrale du préjudice. Cela signifie que tous les aspects de la vie affectés par l’attentat sont pris en compte : préjudices physiques, psychologiques, économiques et moraux.

Des experts médicaux indépendants sont mandatés pour évaluer les séquelles physiques et psychologiques. Leur rapport sert de base à l’estimation financière des préjudices. Les victimes peuvent contester cette expertise et demander une contre-expertise si elles le jugent nécessaire.

Au-delà des atteintes corporelles, le FGTI prend en compte les pertes de revenus, les frais médicaux non remboursés, mais aussi les préjudices plus difficiles à quantifier comme le pretium doloris (prix de la douleur) ou le préjudice d’agrément (impossibilité de pratiquer certaines activités).

Les spécificités de l’indemnisation du terrorisme

L’indemnisation des victimes d’actes terroristes présente plusieurs particularités qui la distinguent des autres régimes d’indemnisation :

– La présomption de causalité : tout préjudice constaté dans les suites immédiates d’un attentat est présumé en lien avec celui-ci, simplifiant ainsi la charge de la preuve pour les victimes.

– L’absence de plafond d’indemnisation : contrairement à d’autres systèmes, il n’y a pas de limite maximale au montant des indemnités versées.

– La prise en charge à vie des soins médicaux en lien avec l’attentat, y compris les prothèses et leur renouvellement.

– La possibilité de réouverture du dossier en cas d’aggravation de l’état de santé de la victime, sans limitation de durée.

Les défis de l’indemnisation face aux nouvelles formes de terrorisme

Le système d’indemnisation doit constamment s’adapter aux évolutions du terrorisme. Les attentats de masse comme ceux du 13 novembre 2015 à Paris ont mis à l’épreuve la capacité de réponse du FGTI, nécessitant une mobilisation sans précédent de ses ressources.

De nouveaux défis émergent avec la multiplication des attaques au véhicule-bélier ou à l’arme blanche, souvent qualifiées d’actes isolés. La frontière entre terrorisme et droit commun devient parfois floue, posant la question des critères de qualification d’un acte terroriste et donc de l’accès au régime spécifique d’indemnisation.

La cybercriminalité et le cyberterrorisme soulèvent également des interrogations sur l’adaptation du système d’indemnisation à des préjudices immatériels ou diffus, potentiellement massifs mais moins visibles que les attentats conventionnels.

La dimension internationale de l’indemnisation

La France a développé un système d’indemnisation qui couvre ses ressortissants victimes d’attentats à l’étranger. Cette protection extraterritoriale est une spécificité française, peu de pays offrant une telle couverture à leurs citoyens.

Au niveau européen, la directive 2012/29/UE établit des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité, y compris du terrorisme. Elle vise à harmoniser les pratiques entre les États membres, mais des disparités importantes subsistent dans les niveaux d’indemnisation.

Des réflexions sont en cours pour créer un fonds européen d’indemnisation des victimes du terrorisme, qui permettrait une meilleure prise en charge des victimes d’attentats transfrontaliers et une plus grande équité entre citoyens européens.

L’accompagnement au-delà de l’indemnisation financière

Si l’indemnisation financière est cruciale, elle ne suffit pas à elle seule à réparer les vies brisées par le terrorisme. Le système français intègre donc un volet d’accompagnement global des victimes :

– Un guichet unique a été mis en place pour simplifier les démarches administratives des victimes et de leurs proches.

– Des cellules d’urgence médico-psychologiques interviennent dès les premières heures suivant un attentat pour apporter un soutien psychologique immédiat.

– Un suivi à long terme est proposé, avec la possibilité de bénéficier de soins psychologiques pris en charge intégralement par l’État.

– Des mesures spécifiques existent pour faciliter le retour à l’emploi ou la reconversion professionnelle des victimes dont la capacité de travail a été affectée.

L’objectif est d’offrir un accompagnement holistique, prenant en compte toutes les dimensions de la vie des victimes pour favoriser leur reconstruction.

La France a développé un système d’indemnisation des victimes d’actes terroristes à la fois complet et novateur. Ce dispositif, fruit d’une évolution constante, témoigne de l’engagement de la société envers ceux qui ont été touchés par la violence terroriste. Malgré les défis posés par les nouvelles formes de terrorisme et la complexité croissante des situations, le système français reste une référence mondiale, alliant rapidité d’intervention, générosité des indemnisations et accompagnement global des victimes.